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Conférence des Carrières Européennes, pour découvrir la multiplicité des métiers de l’Europe !

L’Association Alp’Europe a à cœur de promouvoir les actions concrètes de l’Union Européenne. Dans cette démarche, la Conférence des Carrières Européennes a eu pour but de montrer une autre face de l’Union Européenne, par l’explication des métiers d’hommes et de femmes, qui chaque jour, participent à sa construction.

 

Être fonctionnaire à la Commission Européenne ? La possibilité de mener plusieurs carrières en une seule

Mme Marie Claude BIN, ancienne fonctionnaire de la Commission Européenne a eu un parcours étudiant et professionnel, riche en changements ! Elle fut tout d’abord diplômée de droit, avant d’obtenir un DEA de droit européen, puis elle intègre un centre de recherche, le CRUI, sous le mentorat de Claude Bert. Après un stage universitaire auprès de la DG douane, elle se dirige alors vers l’Ecole Nationale des Douanes, puis vers les services de réglementation à Rivoli. Elle travaille ensuite au sein de la RP France, au Ministère des Finances dans les règlements douaniers.

Sa carrière européenne débute alors qu’elle réussit le concours d’administrateur de la Commission Européenne, et obtient un poste d’administrateur de réglementation douanière. A la Commission, elle travaille sur des sujets de droit fiscal, droit de l’environnement (notamment en poursuivant devant la Cours de Justice des Communautés les Etats Membres en manquement sur la protection à l’environnement). Elle vit désormais en France, où elle est engagée comme membre de Conseil municipal à la Tronche, et suit les sujets relatifs à la transition écologique à Grenoble.

De cette carrière passionnante, en plein cœur des années Jacques Delors, ressortent des convictions claires et un engagement déterminé : « Plus le ventre mou de l’Europe devenait mou, plus les convictions internes devenaient virulentes » déclare Mme Blin. Elle souligne ainsi l’importance de l’engagement européen, convaincue que « le mieux viendra du vivre ensemble, et pas du clivage », et met en avant l’importance toujours grandissante de la tolérance et la solidarité.  Selon elle, le projet européen doit être poursuivi par les étudiants, notamment en cette période de crise de confiance sur l’Union Européenne et sur les personnes politiques en général : c’est aux futures générations de saisir ce momentum, et d’assurer la relève.

Travailler dans l’humanitaire avant d’être lobbyiste pour GRDF, le témoignage de Guillaume Virmaux, chef du bureau à Bruxelles

Cet ancien étudiant de Sciences Po Grenoble a débuté sa carrière à Madrid, en pleine ouverture des marchés énergétiques, et a participé à la création des premiers bureaux Gaz de France en Espagne. Après quelques années à Paris, il décide d’opérer un changement radical et travaille à Médecin sans Frontières au Congo, puis en Haïti. Ces années d’humanitaires se révèlent extrêmement enrichissantes mais néanmoins éprouvantes, et Mr Virmaux fait le choix de rentrer en France, où il travaillera à nouveau chez Gaz de France. Plus tard, il aura l’opportunité de créer le département des affaires européennes GRDF à Bruxelles, poste qu’il occupe toujours.

Aidé d’associés et de stagiaires, il est chargé de l’analyse des packages délivrés par la Commission Européenne, et propose un très grand nombre d’amendements au Parlement Européen, dans le but de représenter les intérêts de GRDF. Le travail de lobbyiste est intense et varié, et il s’agit de rencontrer les associations, les ONG, les parlementaires et les commissaires européens, ainsi que les journalistes ; de rédiger des Impact Assessement et des Positions Paper, afin de « porter l’intérêt particulier de l’entreprise, mais aussi contribuer à l’intérêt général européen en participant au débat » nous explique Mr Virmaux.

Avec beaucoup d’humour, il sépare la vision du « grand méchant lobbyiste » d’avec sa réalité professionnelle, le lobbyiste comme élément clef du processus européen.  En effet : « au-delà de l’influence des décisions européennes, le lobbyiste a la tâche de faire un trait d’union entre l’expertise et l’activité concrète de l’entreprise, afin que les politiques publiques européennes soient pertinentes et effectives ». La pédagogie est donc une capacité clef de l’exercice de son métier. Il recommande également aux étudiants intéressés par le lobbying de se munir d’audace, et d’ouverture interculturelle : il faut en effet travailler avec des acteurs variés et des personnes de nationalités multiples, aux manières de pensées et codes parfois très différents des nôtres.

Interrogé sur la perméabilité du travail dans les lobbys, il répond qu’il n’y a aucune difficulté de passer d’un travail de lobbyiste à un travail dans les institutions, à partir du moment où l’on reste intègre et cohérent dans sa démarche. Néanmoins, il faut peut-être éviter de travailler pour un lobby du tabac, et ensuite tenter de rejoindre la DG HEALTH …
A la question « existe y-il un lobbyiste éthique ? », il affirme qu’un lobbyiste éthique est simplement un lobbyste qui reste honnête dans sa démarche, et agit avec le plus de transparence possible. Les lobbys existent à toute échelle, que ce soit pour les ONG ou les entreprises, et il ne faut pas s’en effrayer.

Aller vers l’Union Européenne pour s’ouvrir sur le monde, le choix de Thibaud Kurtz, Consultant en bonne gouvernance et démocratie africaine.

Egalement ancien élève de Sciences Po Grenoble, il débute sa carrière par un stage au sein d’EurAc (European Network for Central Africa), et se passionne pour la question de la Crise des Grands Lacs africains. Au sein de cette organisation, composée de plus de 50 ONG travaillant sur ce sujet, il a pour mission de rédiger des plaidoyers –il souligne, que ce n’est qu’une manière détournée de faire du lobbying –, de travailler avec d’autres associations et de mener des débats avec les responsables locaux. A la suite de ce stage, il effectue un Volontariat International au Bostwana, au siège de l’Organisation de Développement de l’Afrique Australe.

Plus tard, il décroche un poste au sein de la Haute Commission Britannique à Bagoron. Il est alors en charge de la gestion de projets de développement social, notamment sur les questions de la démocratie et du vote pacifique. Ainsi, devenu consultant indépendant, il décide de se spécialiser sur l’analyse des questions géopolitiques et des questions démocratiques, notamment sur l’accompagnement des processus électoraux en lien généralement avec la question de conflit électoraux : il vient par exemple d’effectuer un travail sur la prévention des violences électorales en Afrique australe.

Plus généralement, le consulting est un travail flexible, aux tâches variés, mais qui comporte des difficultés : il s’agit avant tout de « se vendre », de créer un réseau en participant à des conférences. La fibre relationnelle est primordiale, dans la mesure ou il s’agit surtout « de convaincre les gens qu’ils ont besoin de vous, parce que, parfois ils ne le savent pas encore, ils vont peut-être avoir besoin de votre travail de consultant. ». Même si le lien avec l’Union Européenne n’est pas évident au premier regard, il est pourtant bien réel, et montre une nouvelle fois la variété des carrières européennes : pour Mr Kurt, les nombreux contrats qu’il obtient son financés par l’UE, car l’Europe est un acteur clef dans l’aide au développement de l’Afrique australe, notamment en ce qui concerne les questions démocratiques.

Lorsqu’on lui demande les conseils qu’il prodiguerait à un étudiant souhaitant suivre sa voie, il recommande tout d’abord de toujours se munir d’humilité, particulièrement pour travailler sur des questions « humanitaires ». Il constate qu’il est dangereux de se considérer comme un expert absolu sur ce genre de sujet : il faut au contraire rester humble, et se tenir constamment informé. L’apprentissage continu est également primordial pour lui : il participe ainsi à des mentorats, avec des personnes aux métiers entièrement différents, ce qui lui permet de constamment mettre en jeu sa vision et ses méthodes de travail.

Enfin, il est « important de se connaitre » lorsque l’on réfléchit à un choix de carrière. En effet, au-delà des sujets qui nous intéressent, il conseille de se demander quel type d’activité nous conviendrait vraiment. Certains seront ainsi plus à l’aise dans un bureau alors que d’autres préféreront le terrain, les extravertis seront à l’aise dans un contact constant avec des interlocuteurs dans le cadre d’un lobbys, d’autres préféreront un cercle restreint de collaborateurs… Pour Mr Kurtz, le choix d’être consultant lui permet de trouver un équilibre entre sa vie privée et professionnelle, grâce au travail à distance.

L’Union Européenne, toujours plus efficace pour nos territoires grâce au métier de Samia Lacoste, Consultante en fonds européens

Mme Samia Lacoste, Consultante en Gestion de Projet pour le syndicat de l’Ouest Lyonnais, se décrit elle-même comme possédant un parcours atypique : elle débute sa carrière par un diplôme en audit et contrôle de gestion à l’IAE de Lyon, et puis rejoint le cabinet Deloitte. Plus tard, elle fait le choix de devenir consultante indépendante en audit. Elle se dirige ensuite vers l’Agence des Services et des Paiements à Lyon en tant que contrôleur de services, et découvre ainsi la gestion de projets européens, et traite des questions d’insertion sociale et d’agriculture.

Cette découverte est quasiment une révélation, puisqu’elle obtient un poste de contractuelle en charge du FSE, où elle est chargée de contrôle « pédagogique et non pas punitif » sur les entreprises d’insertion sociale et professionnelle. Elle travaille pour la Région Rhône-Alpes en tant qu’instructive FEADER, et est aujourd’hui en charge des procédures LEADER pour le syndicat de l’Ouest Lyonnais. Ses tâches consistent à aider au montage de projet, et notamment le montage financier. Les projets qu’elle gère sont très divers, un point très positif selon elle puisqu’elle passe du développement agricole au développement rural, de l’aide aux entreprises à l’accompagnement des structures pour l’inclusion sociale par exemple.

D’après elle, le métier de la gestion de projet européen est souvent méconnu, alors qu’il permet de toucher à des thématiques variées, tout en conservant une rigueur professionnelle. Elle conseille d’ailleurs aux étudiants intéressés par ces carrières de garder à l’esprit une forte polyvalence et une grande adaptabilité, afin de s’adapter à un métier mouvant, toujours soumis aux changement politiques, tout en restant capable de suivre les procédures administratives européennes et nationales, un grand incontournable du montage de projets !

Au travers de ces quatre témoignages, on peut réaliser la multiplicité des métiers possibles au sein des « Affaires Européennes » et les parcours riches en rebondissements et en expériences diverses. La Commission européenne, le lobbying, le consulting sur des questions humanitaires ou en gestion de projets financés par l’UE sont autant de voies possibles pour les étudiants intéressés par les métiers de l’Europe. Au-delà des nombreux et précieux conseils prodigués par ces professionnels venus partager leur expérience, nous retiendront ce fil conducteur de polyvalence : les futurs professionnels européens sont adaptables, inscrits dans un multiculturalisme et curieux pour aborder de nombreux sujets et semblent enfin avoir tous gardé à l’esprit cette idée d’Union dans la diversité.

L’équipe d’Alp’Europe remercie une nouvelle fois ces intervenants pour leur participation, ainsi que les étudiants qui sont venus nombreux pour assister à cette conférence.

 

 

Propos retranscris par Mathilde Berjat.

 

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Interview avec Marie-Claude BLIN, Ancienne fonctionnaire de la Commission européenne

Le vendredi 24 novembre 2017, l’association Alp’Europe a organisé une conférence « Les carrières européennes » à Sciences Po Grenoble. L’équipe est ravie de vous faire partager aujourd’hui l’interview de Mme Marie-Claude Blin, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne et qui est intervenue durant la conférence pour faire partager son expérience avec les étudiants.

Q.En quoi consistait votre métier à la Commission européenne ?

Marie-Claude Blin: Ce qui est intéressant tout d’abord dans les métiers de l’Europe, c’est que c’est un travail avec de multiples facettes, et il est possible de faire des métiers très différents sous ce vocable d’ « eurocrate ». Je suis récemment retraitée, et pour ma part, mon métier a eu différentes étapes.

J’ai passé un concours d’administrateur postuniversitaire, et j’ai tout d’abord travaillé dans le domaine du droit douanier – je suis juriste -, qui est un domaine tout à fait intégré avec une politique commune depuis les années 1960, c’est un secteur très européanisé. Ensuite, j’ai travaillé dans le domaine de la TVA, de la fiscalité, un domaine beaucoup moins coordonné. Pour terminer, je me suis intéressée au droit de l’environnement. C’était un droit en gestation à l’époque. Lorsque j’ai quitté la fonction publique européenne par retraite, j’étais chef de service adjoint à la DG environnement, et je coordonnais notamment l’ensemble des procédures de précontentieux et de contentieux à l’égard des 28 Etats-membres dans le domaine des manquements au droit de l’environnement. Cela signifiait négocier avec les Etats-membres, porter un projet au niveau interne, le défendre au niveau des différents services de la Commission européenne dans les directions générales, et puis quand on en arrive à la procédure d’infraction, aller à l’encontre des Etats-membres, les amener à reprendre le droit chemin – et si ce n’est pas le cas les conduire devant la Cour de Justice à Luxembourg.

Q.Quels conseils donneriez-vous à une étudiant souhaitant travailler à la Commission européenne ?

Marie-Claude Blin : C’est quelque chose qui est plutôt antinomique, mais être à la fois motivé, volontaire et humble. Notre approche hexagonale des choses nous amène à penser que nous « savons », et ce n’est pas un propos générationnel. En l’occurrence, s’il y a vraiment un atout, c’est d’être curieux d’esprit, tolérant, et de rester constructif. Car très souvent, le dossier sur lequel on travaille ne passe pas par la porte, mais devra passer par la fenêtre ou par la cheminée…et il faut continuer à être persuasif.

Le second élément, qui est peut-être moins de portée actuellement qu’il ne l’était pour ma génération, c’est d’être très à l’aise en langues. Cela reste encore une contrainte que souvent les étudiants, les jeunes français, maitrisent mal dans ce type de fonction ou de perspective.

Q. Combien de langues pensez-vous qu’il faille maîtriser ?

Le concours, le recrutement, se fait sur trois langues. Je pense qu’il vaut mieux jouer la « voie royale » que les autres formules temporaires pour travailler dans les institutions. A mon sens, si on a le corps chevillé à cette fonction publique européenne, il vaut mieux y aller par le biais du concours.

Q. Quels sont les avantages et les difficultés de votre métier ?

Marie-Claude Blin : Les avantages, par définition, pour moi tel que je l’ai vécu, c’est ce monde international, qui est une façon se de remettre en question, de remettre le « travail » sur le « métier », de trouver une voie de sortie sur un texte législatif, sur une bonne application du droit telle que les Etats l’ont prévue.

J’ai ressenti des contraintes particulièrement dans la dernière étape de ma carrière dans le droit de l’environnement. D’une façon générale les citoyens veulent plus d’environnement, c’est un des domaines où ils estiment que l’Europe peut mieux faire. Les hommes et femmes politiques poussent donc sur ce volet, mais on a bien vu les difficultés des différentes COP. Au niveau de la mise en œuvre, on se rend compte de deux paramètres : c’est une politique très coûteuse, et à long terme. Cela signifie pour les hommes et femmes politiques qu’ils doivent tout faire pour que cette politique soit appliquée maintenant, mais que les bénéfices en reviendront dans vingt ans peut-être pour le plus grand bonheur d’un de leurs opposants politiques. Dans la mesure où l’homme politique – et c’est un propos tout à fait de science politique de base – fonctionne au niveau de son élection prochaine, il y a un déphasage temporel qui existe.

Pour en revenir aux avantages de mon métier, je dirais que c’est de travailler avec des cultures différentes, des langues différentes, mais aussi des origines universitaires différentes. Par exemple, travailler avec un ingénieur atomiste, pour un juriste on ne parle pas la même langue, même si l’on est français tous les deux…c’est remarquable !

Enfin, une des difficultés du métier est de savoir « mettre son poing dans sa poche » quand on voit qu’un texte ne passera pas au Parlement européen ou au Conseil parce que d’autres impératifs sont apparus. Il faut alors reprendre son dossier, motiver ses troupes et dire à son équipe qu’elle fait un travail formidable et que cette construction juridique est magnifique, mais qu’elle n’est pas vendable politiquement.

Propos recueillis par Eva Gerland